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LES PATHOLOGIES SUSPECTÉES D’ÊTRE PROVOQUÉES PAR LES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS

Les perturbateurs endocriniens d’origine naturelle ou de synthèse peuvent interférer avec le système endocrinien, par exemple en mimant les effets d’une hormone à un moment inapproprié. Certaines études menées chez l’animal ont montré qu’un tel effet peut être à l’origine de pathologies. L’observation des effets avérés des perturbateurs endocriniens chez l’homme est beaucoup plus rare et moins documentée. Les effets néfastes observés chez l’animal apparaissent ainsi comme des hypothèses de travail vu que leur transposition à l’homme n’est pas formellement démontrée.

L’incidence croissante de certaines pathologies hormono-dépendantes (troubles de la fertilité, certains cancers hormono-dépendants) est une autre source de questionnement. À date et en dehors d’un petit nombre de cas référencés (PCB, DES, dioxines), les études épidémiologiques disponibles ne permettent pas d’affirmer que les perturbateurs endocriniens jouent un rôle majeur sur la fréquence de ces pathologies, qui sont en outre souvent multifactorielles. Les études épidémiologiques existantes ont apporté des éléments de compréhension de la perturbation endocrinienne, mais n’ont pas permis à ce jour de préciser l’impact sur la santé de l’exposition aux perturbateurs endocriniens présents dans l’environnement. Il convient donc de rester attentif aux résultats à venir d’études actuellement menées, notamment par Santé Publique France.

On constate que les résultats d’études considérées isolément sont souvent mis en avant, surtout quand ceux-ci mettent en évidence des effets des perturbateurs endocriniens. Hors, dans le domaine des sciences du vivant, des résultats ne donnent lieu à des conclusions robustes scientifiquement que lorsqu’ils sont reproduits par d’autres équipes. Les travaux de type méta-analyse et les travaux de revue de littérature (review paper) permettent de mettre en perspective l’ensemble des études portant sur un même sujet. Il est ainsi possible de vérifier s’il existe une tendance en faveur d’une hypothèse positive ou négative. Ces analyses beaucoup plus « puissantes » sont à privilégier par rapport à l’analyse des résultats d’une étude unique. Chaque étude est en effet susceptible de présenter des limites ou des biais qui, lorsqu’ils ne sont pas détectés, peuvent influer sur la validité des résultats.

Les perturbateurs endocriniens font l’objet de nombreux travaux de recherche, ce site n’a pas pour vocation à recenser toutes les dernières publications dans ce domaine. Les synthèses présentées ont pour but de donner des aperçus aussi larges que possible de l’état des connaissances sur des sujets particuliers.

TROUBLES DE LA FERTILITÉ CHEZ L’HOMME :

Le syndrome de dysgénésie testiculaire (TDS ou Testicular Dysgenesis Syndrome) associe, à la naissance, au moins deux des anomalies suivantes : pénis mal formé (hypospadias), pénis anormalement petit, testicule non descendu dans le scrotum (cryptorchidie, généralement opéré chirurgicalement), et chez l’adulte, une moindre qualité du sperme. L’implication des perturbateurs endocriniens dans la survenue de la cryptorchidie et de l’hypospadias est démontrée chez l’animal mais reste discutée chez l’Homme.

Un travail publié en 20171 a porté sur les données de 33 publications reprenant 28 études épidémiologiques menées dans six pays différents en vue de documenter l’effet de l’exposition prénatale et post-natale aux perturbateurs endocriniens sur la cryptorchidie, l’hypospadias, le cancer testiculaire et la qualité du sperme). Pour les auteurs, les données épidémiologiques actuelles sont compatibles avec un petit accroissement du risque des troubles de la reproduction masculine, mais le niveau de preuve reste limité. Les prochaines études épidémiologiques pourront apporter un éclairage complémentaire pour confirmer ou infirmer l’implication des perturbateurs endocriniens dans l’apparition de ces pathologies. Les auteurs de l’étude soulignent que ces résultats « contredisent l’opinion largement répandue selon laquelle les produits chimiques perturbateurs endocriniens jouent un rôle important dans le développement des troubles de la reproduction chez l’homme ».

1.Bonde JP, Flachs EM, Rimborg S, Glazer CH, Giwercman A, Ramlau-Hansen CH, et al. The epidemiologic evidence linking prenatal and postnatal exposure to endocrine disrupting chemicals with male reproductive disorders: a systematic review and meta-analysis. Hum Reprod Update [Internet]. 2016 Dec [cited 2017 Jul 26];23(1):104–25. Available from: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27655588
TROUBLES DE LA FERTILITÉ CHEZ LA FEMME :

L’hypothèse d’un syndrome comparable au TDS chez la femme (syndrome de dysgénésie ovarienne) est débattue. Ce syndrome pourrait être associé à diverses altérations de la santé reproductive féminine au long de la vie (puberté précoce, insuffisance ovarienne, syndrome des ovaires polykystiques, fibromes, endométriose, cancers reproductifs, etc.).

L’exposition périnatale, c’est-à-dire avant ou peu après la naissance, aux perturbateurs endocriniens est suspectée d’augmenter chez la femme le risque de souffrir d’endométriose une fois en âge de procréer. Les phtalates sont connus pour avoir de telles propriétés chez le primate non-humain, mais aucun lien n’a été trouvé entre leur exposition et l’augmentation de la fréquence de l’endométriose chez la femme2.

Santé publique France mène actuellement une étude de faisabilité sur la mise en place d’une surveillance épidémiologique de l’endométriose à partir des données d’hospitalisation. L’un des objectifs sera d’en analyser les tendances géographiques et temporelles afin de discuter des liens possibles avec l’exposition aux perturbateurs endocriniens.

2.Benagiano, G., Brosens, I., 2014. In utero exposure and endometriosis. J. Matern. Neonatal Med. 27, 303–308. doi:10.3109/14767058.2013.814630
PUBERTÉ PRÉCOCE

La puberté précoce est une manifestation clinique définie par l’apparition de signes objectifs de puberté avant l’âge de 8 ans chez les filles et 9 ans chez les garçons.

La puberté précoce est une manifestation clinique définie par l’apparition de signes objectifs de puberté avant l’âge de 8 ans chez les filles et 9 ans chez les garçons. La puberté précoce touche dix fois plus les filles que les garçons (2,68/10 000 et de 0,24/10 000 respectivement). Son incidence, évaluée d’après les prescriptions du traitement hormonal de cette pathologie, apparaît élevée dans le Sud-Ouest (autour de Toulouse) et le Centre-Est (autour de Lyon)3, ce qui pourrait suggérer des facteurs de risque présents localement. Une difficulté qui se pose dans l’interprétation de ces chiffres est la possible existence de biais qui n’ont pas pu être pris en compte dans l’analyse. En effet, il arrive fréquemment que pour diverses raisons les pratiques médicales ne soient pas strictement comparables entre les régions. Les critères de diagnostic, les protocoles de traitement, et même le recrutement des patients peuvent différer entre les structures de Lyon, Toulouse, et du reste de la France4. Les auteurs de l’étude concernée ont déclaré ne pas être en mesure de déterminer les causes de la plus forte incidence de la puberté précoce dans les régions de Toulouse et de Lyon en comparaison avec le reste de la France et ont aussi mentionné que la plus forte incidence peut être en partie liée aux procédures de détection ou de prise en charge de cette pathologie. En d’autres termes si d’autres centres suivaient les mêmes procédures ils pourraient trouver des résultats ne permettant plus de montrer une différence régionale ; il faudra attendre de connaitre d’éventuels résultats de recherches complémentaires pour conclure sur les hypothèses soulevées.

3.Rigou A, Le Tertre A, De Crouy-Chanel P, Carel J-C, Léger J, Le Moal J. Incidence and spatial trends of idiopathic central precocious puberty in France: a nationwide study. In [cited 2017 Jul 28]. Available from: http://www.pnrpe.fr/IMG/file/Poster34-Rigou.pdf
4. http://www.lemonde.fr/m-perso/article/2017/06/30/puberte-precoce-les-regions-de-toulouse-et-de-lyon-sont-elles-vraiment-plus-touchees_5153431_4497916.html
POIDS À LA NAISSANCE, DURÉE DE GESTATION ET ACCOUCHEMENT PRÉMATURÉ

Une étude publiée en 20165 a analysé 133 957 couples mère-enfant de treize cohortes de onze pays européens, dans lesquels la mère a été exposée dans un cadre professionnel à dix types de perturbateurs endocriniens durant la grossesse. Le but de ce travail a été de déterminer si l’exposition maternelle à ces perturbateurs endocriniens peut avoir des conséquences sur le poids des enfants à la naissance, la durée de la gestation, ou provoquer un accouchement prématuré. Seul le faible poids à la naissance, ou un allongement de la durée de la gestation sont apparus plus fréquents chez les personnes exposées à ces perturbateurs endocriniens. Les auteurs recommandent que le travail initié soit poursuivi par des études plus spécifiques, qui permettraient d’obtenir des conclusions plus solides sur une éventuelle relation de causalité entre une exposition professionnelle à des perturbateurs endocriniens et certains effets sur la santé.

5. Birks, L., Casas, M., Garcia, A.M., Alexander, J., Barros, H., Bergström, A., Bonde, J.P., Burdorf, A., Costet, N., Danileviciute, A., Eggesbø, M., Fernández, M.F., González-Galarzo, M.C., Regina Gražulevičienė, R., Hanke, W., Jaddoe, V., Kogevinas, M., Kull, I., Lertxundi, A., Melaki, V., Andersen, A.-M.N., Olea, N., Polanska, K., Rusconi, F., Santa-Marina, L., Santos, A.C., Vrijkotte, T., Zugna, D., Nieuwenhuijsen, M., Cordier, S., Vrijheid, M., 2016. Occupational Exposure to Endocrine-Disrupting Chemicals and Birth Weight and Length of Gestation: A European Meta-Analysis. Environ. Health Perspect. 124, 1785–1793. doi:10.1289/EHP208
CANCER ET PERTURBATEURS ENDOCRINIENS

Le tabac est considéré comme étant le facteur environnemental à l’origine du plus grand nombre de cancers, loin devant les autres facteurs identifiés. Viennent ensuite, par ordre décroissant d’importance l’alcool et les facteurs nutritionnels (alimentation déséquilibrée, surcharge pondérale, sédentarité), les agents infectieux, les traitements hormonaux, les rayons ultraviolets, les expositions professionnelles, et les particules fines6.

Outre ces facteurs de risque de cancer bien établis, l’implication de plusieurs substances perturbateurs endocriniens est suspectée dans l’apparition de cancers hormono-dépendants (cancer du sein, de l’utérus, de la prostate et des testicules).

Dans le cas du chlordécone, un insecticide organochloré autrefois utilisé dans les bananeraies, ce lien est fortement suspecté. De récentes études montrent une relation entre exposition au chlordécone (classé cancérigène possible pour l’homme par le CIRC) et la survenue du cancer de la prostate7. Si le lien de causalité reste encore à établir, une hypothèse forte est l’effet œstrogénique du chlordécone qui serait susceptible de stimuler la prolifération des cellules de la prostate, ce qui pourrait favoriser l’apparition de tumeurs et le développement de cancers sur le long terme.

6. http://lesdonnees.e-cancer.fr/Themes/Prevention-facteurs-risque
7. Hilakivi-Clarke L. Maternal exposure to diethylstilbestrol during pregnancy and increased breast cancer risk in daughters. Breast Cancer Res
AUTRES PATHOLOGIES SUSPECTÉES D’ÊTRE EN RELATION AVEC L’EXPOSITION AUX PERTURBATEURS ENDOCRINIENS

L’exposition aux perturbateurs endocriniens est également suspectée d’être en lien avec l’apparition plus fréquente de maladies métaboliques (diabète, obésité), de troubles de la fonction thyroïdienne, et d’une baisse du quotient intellectuel, ou de la progression des « troubles du spectre autistique » (TSA)8. Cette relation de cause à effet relève de l’hypothèse de travail. Des travaux de recherche doivent être poursuivis afin de faire la part des choses avec les facteurs de risques reconnus et de déterminer la fraction attribuable à chacun de ces facteurs.

Par exemple, la baisse du QI est multifactorielle et fait intervenir des critères socio-économiques, l’éducation et la formation, la consommation d’alcool et de drogues illicites, des maladies infectieuses, et l’exposition à certains métaux lourds (plomb, mercure…). En l’état actuel des connaissances, il n’est pas possible d’affirmer que les perturbateurs endocriniens jouent un rôle déterminant dans la baisse du QI observée dans certaines populations.

Certaines études invitent à la prudence et à poursuivre les analyses afin de déterminer si les expositions mentionnées sont des facteurs de risque déterminant de survenue de certains troubles :

  • Une relation statistique a été montrée chez des petites filles entre l’exposition à certains phtalates et une altération de la production d’hormones thyroïdiennes qui pourrait être à l’origine d’une altération des fonctions cognitives, sans que le mécanisme d’action toxique ne soit identifié9.
  • De même une étude a montré un lien statistique entre l’exposition de femmes pendant leur grossesse à certains PCB et pesticides organochlorés et la survenue de l’autisme chez leurs enfants10.
8. Jeddi MZ, Janani L, Memari AH, Akhondzadeh S, yunesian M. The role of phthalate esters in autism development: A systematic review. Environ Res [Internet]. 2016 Nov [cited 2017 Aug 3];151:493–504. Available from: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27567353
9. Ferrari SM, Fallahi P, Antonelli A, Benvenga S. Environmental Issues in Thyroid Diseases. Front Endocrinol (Lausanne) [Internet]. 2017 [cited 2017 Jul 31];8:50. Available from: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28373861
10. Lyall K, Croen LA, Sjödin A, Yoshida CK, Zerbo O, Kharrazi M, et al. Polychlorinated Biphenyl and Organochlorine Pesticide Concentrations in Maternal Mid-Pregnancy Serum Samples: Association with Autism Spectrum Disorder and Intellectual Disability. Environ Health Perspect [Internet]. 2017 Mar [cited 2017 Jul 31];125(3):474–80. Available from: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27548254

 

                                                                       
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