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Décryptage / Débat

Puberté précoce : les régions de Toulouse et de Lyon sont-elles vraiment plus touchées ?

ENONCÉ DES FAITS

D’après une étude de Santé Publique France, 3 519 petites filles et 351 petits garçons ont présenté une puberté précoce (apparition de signes cliniques de puberté avant l’âge de 8 ans chez les filles et de 9 ans chez les garçons) en France entre 2011 et 2013. Cette étude relève en outre une fréquence élevée de ce trouble dans les bassins lyonnais et toulousain, où les cas seraient dix fois plus nombreux que dans le reste de la France. A première vue, ces différences régionales suggèreraient l’existence de facteurs de risque présents dans les zones concernées. Joëlle Le Moal, auteure de l’étude, estime qu’un lien entre l’exposition aux perturbateurs endocriniens et ses observations est « plausible », sans toutefois avoir identifié de différence d’exposition entre les populations concernées et le reste de la France : « Le niveau d’exposition aux perturbateurs endocriniens doit probablement aussi entrer en compte, mais nous ne savons pas dans quelle mesure.»

Eclairage parlons-en

Dans le commentaire ci-dessus, Joëlle Le Moal émet une hypothèse de travail, à savoir le fait que les perturbateurs endocriniens puissent être la cause de ces disparités régionales. Or, ces interprétations ont rapidement été tempérées par le professeur Marc Nicolino, chef du service d’endocrinologie pédiatrique à l’hôpital Femme-mère-enfant de Lyon. Il justifie alors dans la presse ces différences régionales par une « plus grande vigilance et une meilleure connaissance de la pathologie » dans les structures hospitalières de Lyon et Toulouse.
L’étude est fondée sur l’analyse des remboursements de traitements hormonaux prescrits dans le cas de puberté précoce. L’exploitation de ces données présente des biais. En effet, le niveau de prescription est notamment lié à la sensibilité particulière que peuvent avoir certaines équipes pour ce sujet, ce qui peut conduire à davantage de dépistage, et aux choix thérapeutiques (prescription de traitement hormonaux ou abstention). Ainsi, l’augmentation de la prescription des traitements ne signifie pas nécessairement une augmentation de l’incidence de puberté précoce.
Les équipes de Lyon et de Toulouse travaillent en étroite collaboration et ont développé depuis plusieurs années une prise en charge très efficace de la puberté précoce sur la base de modalités comparables et uniformes. Ce trouble est activement dépisté et les jeunes patients sont systématiquement traités, là où d’autres services ailleurs en France peuvent être moins vigilants ou proactifs. Dans cette dernière situation, un moins grand nombre de patients apparaissent dans le registre de l’étude, ce qui fausse logiquement l’estimation de la fréquence réelle de la maladie.
L’hypothèse d’un lien entre perturbateurs endocriniens et puberté précoce, d’abord mise en avant, a été dans un second temps modérée par les auteurs eux-mêmes dans un article scientifique qui a été publié pour présenter les résultats de ces travaux. En effet, dans les régions concernées, aucune source particulière d’exposition à des perturbateurs endocriniens n’a été identifiée. L’exposition de la population à des pesticides particuliers a été recherchée, sur la base de pratiques particulières locales de viticulture et d’arboriculture, sans qu’aucune relation n’ait pu être mise en exergue.

Bibliographie
http://invs.santepubliquefrance.fr/Dossiers-thematiques/Environnement-et-sante/Reproduction-humaine-et-environnement/Indicateurs-sanitaires-Incidence-et-analyses-epidemiologiques/Puberte-precoce-centrale-idiopathique
http://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/rhone/lyon/puberte-precoce-lyon-est-elle-vraiment-10-fois-plus-touchee-que-reste-france-1265591.html
http://www.lemonde.fr/m-perso/article/2017/06/30/puberte-precoce-les-regions-de-toulouse-et-de-lyon-sont-elles-vraiment-plus-touchees_5153431_4497916.html

Source :
http://www.pnrpe.fr/IMG/file/Poster34-Rigou.pdf
Le Moal, J., Rigou, A., Le Tertre, A., De Crouy-Channel, P., Léger, J., & Carel, J.-C. (2018). Marked geographic patterns in the incidence of idiopathic central precocious puberty: a nationwide study in France. European Journal of Endocrinology, 178(1), 33–41. https://doi.org/10.1530/EJE-17-0379
Visuel utilisé en illustration : http://www.lemonde.fr/planete/portfolio/2017/06/14/pics-de-puberte-precoce-et-d-anomalies-genitales_5144585_3244.html
                                                                       
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